L’Académie des cordélistes du
Crato: une expérience originale
«L’art du cordel
est une manifestation de l’existence de l’homme
contre l’érosion du temps1.»
Raymond CANTEL
L’existence d’une
Académie de cordélistes au Crato2
a de quoi surprendre au premier abord, et ceci pour deux
raisons majeures: d’abord parce que la littérature
de cordel3
est répertoriée comme un genre populaire et
ensuite parce qu’elle est en voie de disparition de
nos jours. En effet, l’écrivain-graveur-éditeur
José Francisco BORGES (Pernambuco), considéré
comme un des rares cordélistes de renom national
et international vivant et résistant actuellement,
en 1993 déjà, avait déploré
la situation du cordel qui s’était
installée au Brésil depuis quelques années
en déclarant:
«Est menacée
de mort une littérature qui depuis le siècle
passé, grâce à de grands poètes
comme Leandro Gomes et Silvino Pirauá, et à
la publication de leurs premiers cordéis
typographiés, s’était répandue
dans le Nordeste entier et se trouvait sur toutes les
places et tous les marchés. Un système de
journalisme paysan qui fonctionnait comme mode de diversion
et véhicule d’annonce de la mort de personnages
historiques: Lampião, le Père Cícero,
Getúlio Vargas entre autres4.»
Malgré la création
de centres de recherches, d’associations de cordélistes5
et de nombreuses études menées sur ce genre
de poésie populaire, il est en effet communément
admis que la littérature de cordel est entrée
en déclin depuis les années soixante-dix,
à la suite de transformations sociales et du développement
de nouveaux moyens de communication. En effet, radio, journal
et surtout télévision fournissent désormais
aux habitants de l’intérieur du Nordeste, autrefois
isolés et difficiles d’accès, les informations
d’ordre politique, économique et sociale, qui
auparavant, leur parvenaient en partie par l’intermédiaire
de ces petits livrets vendus sur les marchés, et
qui étaient achetés par les paysans en même
temps que les provisions pour la semaine. Il y avait aussi
la réimpression régulière des cordéis
classiques, héritage des débuts du cordel
(fin XIXème- début XXème)6
qui étaient très marqués par une fonction
didactique, voire éthique, inspirés essentiellement
par la Bible et le cycle carolingien, ainsi que des cordéis
traditionnels de l’âge d’or (1940-50)7
qui racontaient les légendes nordestines ou les exploits
des héros modernes, comme les cangaceiros8
par exemple9. Ces livrets étaient
généralement lus à haute voix lors
des veillées et servaient souvent à l’apprentissage
de la lecture pour les enfants, voire pour certains adultes,
d’où le préjugé commun qui présentait
le cordel comme une littérature
pour analphabètes composée par des analphabètes
dans la mesure où elle était née comme
un prolongement de la tradition orale. Comme par ailleurs
les conditions d’impression et de vente se sont progressivement
détériorées, en raison de la vétusté
des machines et du coût de production toujours plus
élevé, les grands centres de production de
folhetos comme Juazeiro do Norte au Ceará,
Campina Grande et Guarabira au Paraíba réduisirent
peu à peu leurs activités, les rares centres
à tenter de survivre en produisant du cordel
étant celui de Bezerros (Pernambuco) dirigé
par J. BORGES et celui de Caruaru dirigé par Dila.
En effet, ayant joué un rôle de premier ordre
dans la production et diffusion de cordel,
le fameux atelier de typographie São Francisco de
Juazeiro do Norte, connu aujourd’hui sous le nom de
Lira Nordestina10,
fut une des imprimeries les plus importantes au niveau national,
mais se trouve à l’heure actuelle dans une
situation critique, malgré l’intérêt
des poètes, intellectuels, chercheurs et amateurs
pour cette tradition de la culture populaire11.
Il est donc intéressant
de rappeler pourquoi le cordel s’était
particulièrement bien implanté dans le Nordeste,
de présenter les formes actuelles de résistance
qui s’y développent et de voir comment le genre
tente de survivre, voire de se renouveler.
1. La littérature
de cordel dans le Nordeste
Directement influencée
par la poésie épique des troubadours et des
romanceiros portugais et espagnols des XII et XIIIèmes
siècles, cette littérature de tradition
orale était arrivée au Brésil par l’intermédiaire
des colons portugais. Le Nordeste, pour des raisons
culturelles propres, fut un terrain particulièrement
favorable à la divulgation et à la production
de cordel dès le départ. Les poètes-chanteurs
se rendaient de fazenda en fazenda afin
de colporter les dernières nouvelles, chanter les
exploits des héros traditionnels ou s’affronter
dans des «joutes improvisées dont l’inspiration
était soutenue à la fois par la guitare et
la cachaça12.»
Avec l’abolition de l’esclavage à la
fin du siècle et les transformations sociales que
cela entraîna, les chanteurs cessèrent de se
rendre dans les fermes et fréquentèrent les
foires et les marchés. C’est ainsi qu’apparurent
les premiers folhetos imprimés vers 1890
que les poètes vantaient et vendaient sur les marchés.
Selon M. Diégues Junior, «l’organisation
de la société patriarcale, l’avènement
des mouvements messianistes, l’apparition de bandes
de cangaceiros ou de bandits, les sécheresses
périodiques provoquant des déséquilibres
économiques et sociaux, les rivalités entre
familles, fournirent l’occasion, entre autres facteurs,
pour qu’apparaissent des groupes de chanteurs se faisant
les interprètes de la pensée collective et
des manifestations de la mémoire populaire13
.»
Les conditions de vie du
sertão14 étant
réputées pour être particulièrement
difficiles voire inhumaines15,
le cordel a souvent été perçu
et continue encore d’être vécu par les
sertanejos comme un moyen d’échapper
aux problèmes quotidiens, la poésie permettant
cette fuite par l’imaginaire16.
Les études thématiques17
montrent bien le lien indissociable entre les sujets traités
et l’expérience vécue au quotidien.
Cette poésie populaire véhicule toute une
partie de l’univers de l’imaginaire sertanejo,
de la religiosité, des moeurs et coutumes, des valeurs
éthiques et culturelles18.
Le poète est en quelque sorte le porte-parole d’une
majorité silencieuse, dont il est à la fois
témoin et acteur: «Pour être non seulement
le témoin mais aussi le représentant de cette
réalité douloureuse, le poète populaire
ne saurait en faire un tableau qui ne soit à la fois
un réquisitoire19.»
Si la critique sociale est fortement présente, elle
n’apparaît pas toujours sous une forme organisée,
et plus qu’un moyen de lutte, la littérature
de cordel fonctionne comme fiction compensatoire:
«En vérité,
pour une population opprimée par le système
économique, une structure avec quasiment quatre
siècles de retard, et par l’acte castrateur
de la culture qui divisa le monde, sommairement entre
ceux qui savent et ceux qui ont encore besoin d’apprendre,
de participer et de décider du destin à
l’intérieur d’un processus historique,
il n’est pas difficile de s’échapper
dans l’irréel et l’imaginaire, principalement
quand celui-ci argue en faveur de la justice ou quand
il reflète le poids d’un élément
culturel hors de nos paramètres20.»
Plus que l’expression
d’une conscience critique, le poète populaire
apparaît comme un pourvoyeur de rêves:
«Entre la misère
effective, vécue, et un pouvoir d’intervention
irréel, les mots s’élancent comme
des passerelles et libèrent des rêves d’évasion
vers un monde plus juste, ces mots qui dénoncent
la réalité vécue parce qu’ils
énoncent la réalité rêvée:
un animal traqué devient le support de l’idée
insurrectionnelle; le Nordeste espace clos sur la misère,
oublié de Dieu et des gouvernements, s’ouvre
largement vers le haut: le ciel descend sur terre, le
Diable et le Bon Dieu sont des familiers du sertanejo,
et les grands héros mythiques, combattants prestigieux,
ne meurent jamais vraiment...21»
En effet, les thèmes
de prédilection étaient l’exaltation
du héros, depuis l’héritage du cycle
carolingien jusqu’aux cangaceiros, l’amour
et la religion. «Les poètes du Nordeste
ont décerné leurs brevets de bravoure à
tous les types de héros: hommes d’église,
hommes politiques, brigands de grands chemins, voire à
des animaux, taureaux et chevaux plus ou moins fantastiques22»
souligne Raymond Cantel dans ses analyses, comme si le sertanejo,
humilié et souffrant, éprouvait le besoin
de célébrer tous ceux qui ont surmonté
la faim et les épreuves, quelle que soit la voie
choisie. Il n’y a d’éthique que celle
de la survie.
Ces histoires, chantées
à l’origine, furent consignées par écrit
à la fin du XIXème siècle.
Leandro Gomes de Barros (Recife) fut l’un des premiers
à éditer systématiquement ses textes
d’inspiration médiévale dont les plus
connus sont: História de Carlos Magno e dos doze
Pares da França, História de Roberto do
Diabo, João da Cruz, Cachorro dos Mortos23.
A sa mort, les droits furent rachetés par João
Martins de Athayde qui les cédera à son tour
à José Bernardo da Silva; il s’installera
à Juazeiro do Norte qui constituera le centre de
cordel le plus important, tant du point de vue
du nombre des poètes, que des xylograveurs et des
éditeurs. Il est vrai qu’après l’arrivée
du Père Cícero Romão Batista au Carirí
en 1872, «Juazeiro s’est transformé en
point de convergence nordestin, et en raison de la pérennité
des pèlerinages, il s’est formé un public
qui connaissait et achetait déjà les folhetos.
C’est fut exactement le parcours suivi par le pèlerin
alagoanais José Bernardo da Silva, qui de vendeur
de plantes et de racines, est devenu l’un des plus
importants éditeurs de cordel24.»
Dans les années 70,
la mission d’information, bien qu’étant
toujours présente25,
ayant perdu de son importance, une nouvelle spécificité
du cordel est apparue: il servait essentiellement
à la propagande politique et à la publicité.
Ainsi Expedito Sebastião da Silva, qui a assuré
la direction de la Lira Nordestina après
son rachat par l’Etat du Ceará en 1987, déclare:
«Je peux traiter de tous les sujets. Mon système
d’écriture est unique, c’est le cordel.
Le poète est à la disposition de celui qui
a besoin de la poésie. Ceci n’enlève
rien au prestige du poète, sa fonction est d’écrire26.»
Peu importent les convictions personnelles de l’auteur,
celui-ci ne se considère pas comme le détenteur
d’une idéologie à transmettre, mais
comme le détenteur d’un art d’écrire
et pense que sa mission est avant tout de plaire au public
et de le convaincre par les émotions suscitées.
Pour sa part, le poète populaire Maranhão,
affirme qu’un néo-cordélisme est apparu
qui se définirait de façon suivante: questionnement
des problèmes sociaux contemporains et journalisme
régional relayé oralement par sa diffusion
régulière sur les ondes radio lors d’émissions
quotidiennes locales consacrées à cette littérature27.
D’autres fonctions sont également apparues:
«C’est lui
qui servit de support aux campagnes en faveur du recensement
démographique ou du vaccin B.C.G.. C’est
lui encore qui exhorte les citoyens à acquitter
l’impôt sur le revenu. Il devient le moyen
de communication privilégié avec l’intérieur
du pays. A São Paulo, il apparaît comme un
moyen de choix pour inciter les ouvriers du bâtiment
à respecter les précautions nécessaires
afin d’éviter les accidents du travail28
.»
Par fidélité
aux habitudes de lecture des sertanejos, le cordel
reste donc un moyen privilégié de communication
pour les gens de condition modeste. Parallèlement
à cela, sous l’influence de la migration des
Nordestins vers le Sud, des publications plus modernes furent
lancées à São Paulo29:
le format30 changea, et les
premières de couverture, normalement illustrées
par des xylogravures, furent remplacées par des photos
en couleur d’acteurs en vogue ou des illustrations
en couleurs. Autrement dit, le format et les caractéristiques
traditionnels disparurent au profit d’une modernisation
qui tentait de les rapprocher des revues vendues en kiosque:
«C’est
une décaractérisation du folheto classique,
mais celui-ci n’a pas été éliminé
par les brochures nouvelles que l’on trouve pourtant
à ses côtés jusqu’à Belem
et Manaus dans le Nord, et qui bénéficient
des services de diffusion et de vente des revues alors
que le folheto traditionnel est l’objet d’un
commerce parallèle et artisanal sans aucun contact
avec celui du livre ou du journal31.»
Quant au contenu, il connut
une nouvelle évolution, dans la mesure où
les faits divers et l’actualité sont de plus
en plus retenus comme sujets d’inspiration et que
les repentistas32
et emboladores33 «commentent
en direct les news locales, observateurs des soucis quotidiens
du paysan nordestin et de sa descendance citadine. Des élections
au sida, de la guerre du Golfe au divorce, tout est soigneusement
consigné, chanté, retransmis à une
foule encore parfois analphabète, mais surtout trop
pauvre pour acheter un journal. Faits divers - un accident
d’autobus, un cocu assassin, un beau mariage -, vie
sociale - construction d’un barrage, machisme, feuilletons
télévisés-, conseils prophylactiques,
propagande politique, tout y passe34.»
On assiste donc à une adaptation constante du cordel
aux nouveaux modes de vie.
Au regard de l’évolution
récente du genre, la classification du genre comme
littérature populaire est de plus en plus remise
en question. Raymond Cantel avait en effet retenu, comme
critère de détermination de la littérature
de cordel comme littérature populaire, le
fait que les auteurs de cordéis
étaient d’origine populaire et non lettrés.
Or l’on constate qu’à partir des années
60/70, un certain nombre de poètes ayant fait des
études supérieures se sont adonnés
au cordel35, ce qui
a eu pour répercussion l’apparition de nouvelles
thématiques. Selon Elói Teles de Morais, lui-même
diplômé en droit, l’entrée dans
le cordel de ces nouveaux poètes est positive,
dans la mesure où «ils rendent un excellent
service et redonnent du prestige au genre36.»
Pour Gilmar de Carvalho, cette distinction entre populaire
et érudit37 est en passe
de prendre un sens tout à fait différent.
En effet,
«cette notion
de populaire passe par une appropriation de ce qui vient
de la culture de masse. Aussi, cette dichotomie n’a
plus lieu d’être, cette division entre le
populaire et l’érudit n’existe plus,
et aujourd’hui nous avons plutôt à
faire face à un triangle, voire une triade. Nous
avons le populaire, l’érudit et le massif,
et ces trois ordres s’interpénètrent38.»
Pour ce chercheur, la littérature
de cordel représente un des moyens utilisés
dans le Nordeste pour transmettre les informations
locales et diffuser des informations générales
de façon efficace.
2. La création de
l’Académie des cordélistes du Crato
Prenant conscience de l’évolution
de la situation, mais persuadé qu’il y avait
toujours un public pour un cordel de qualité,
mu par le besoin de réagir contre ce mouvement de
décadence annoncé et animé par le désir
de «sauvegarder, étudier, promouvoir, illustrer
et répandre le cordélisme, c’est-à-dire,
l’art et la science du cordel39»,
Elói Teles de Morais40
convoqua un certain nombre de poètes du Crato en
1991 pour dresser un état des lieux et discuter des
moyens de lutter contre cette disparition lente, mais certaine.
Animateur depuis 1957 d’émissions de radio
locale consacrées à la culture nordestine,
dont une réservée à la divulgation
de la poésie régionale et nationale41,
Elói de Teles tenta de trouver un moyen plus solide
et efficace de maintenir vivante cette tradition. C’est
pourquoi il décida de fonder avec ses collègues
l’Académie des cordélistes du Crato,
expérience originale et unique à ce jour au
Brésil. Le Crato, ville voisine de Juazeiro do Norte,
centre réputé de cordel et de xylogravure,
s’est ainsi doté d’une structure de soutien
et de développement du cordel, qui fonctionne
depuis plus de six ans et a déjà permis la
publication de 78 cordéis. Comme
l’a souligné malheureusement un des membres
fondateurs, le poète Maranhão, «lorsqu’une
espèce entre en voie de disparition, alors les scientifiques
commencent à s’y intéresser42.»
Il est vrai qu’en choisissant l’appellation
d’Académie, il s’agissait non seulement
de perpétrer une tradition, de garantir une production,
mais aussi d’incentiver les recherches et de mettre
un fonds important de cordel à la disposition
des chercheurs.43
Fonctionnant sur un modèle
démocratique, cette Académie est composée
de douze membres, qui doivent remplir les conditions suivantes:
être résident du Crato, être reconnu
comme poète populaire, avoir déjà publié
au moins cinq cordéis dans les 90 jours
qui précèdent l’acte de candidature.
Le nombre est volontairement limité à douze
auteurs dans la mesure où l’Académie
se propose de publier douze cordéis
par année, chaque auteur apportant ainsi, tour à
tour, une contribution mensuelle. Le mandat du Président
est renouvelable d’année en année. L’Académie
se réunit une fois par mois pour discuter des orientations
générales ainsi que de ses activités
de divulgation (émissions de radio, conférences,
présentation dans les écoles, accueil de chercheurs,
publications, participation à des congrès,
commandes, etc.), et lors de chaque lancement, elle organise
une lecture publique suivie d’une réception.
Le cordéliste présente alors son texte, le
déclame et en offre un exemplaire à chaque
personne présente.
L’Académie s’est
également dotée d’un blason qui reprend
les éléments suivants: la carte du Crato avec,
en son centre, une guitare, instrument d’accompagnement
traditionnel de la poésie déclamée
par les repentistas. A gauche, le piqui,
fruit typique du Crato, à droite, la canne à
sucre, et au sommet, un bandeau à plumes indien.
Ainsi, les divers symboles des origines de la culture cratense
sont représentés, rappelant le passé
national indigène ainsi que la colonisation.
3. Les objectifs
En ce qui concerne la publication
de cordel à proprement parler, parmi les
objectifs majeurs de l’Académie nous trouvons
d’une part l’exigence du respect de la tradition,
d’autre part l’exigence d’un contenu de
qualité, qui est proche de la conception de José
Francisco Borges. Selon ce dernier, un bon cordel
«doit être écrit de façon à
atteindre le public qui va lire ou écouter le conte
à travers les sentiments, qu’il s’agisse
d’amour, de calomnie, de religion, de politique, d’événement
tragique, d’humour, de souffrance, de vengeance ou
d’autres thèmes44.»
Afin de se démarquer des publications plus commerciales
et opportunistes, les cordélistes de l‘Académie
se sont concertés pour respecter cette ligne et proposer
également des sujets directement liés à
l’histoire locale et aux événements
du Crato, participant ainsi de la mémoire de la ville
et du quotidien de ses habitants.
Quant à l’attention
marquée à la tradition, elle est centrée
sur deux éléments formels: la présentation
et la versification45 . Comme
l’avait souligné Expedito Sebastião
da Silva, «Le plus important dans le cordel
est la métrique. De la poésie sans métrique
est une poésie invalide. C’est la métrique
qui donne sa beauté au cordel46»,
d’où le soin particulier porté au respect
de la métrique, le poète ayant une oreille
infaillible. Eloi Teles de Morais déplore le fait
que certains poètes, plus commerciaux, pressés
par le temps et travaillant beaucoup sur commande, ont tendance
à négliger le vers47.
Par ailleurs, chaque cordel reprend le format habituel
avec en couverture une xylogravure originale qui «illustre»
le contenu et attire le regard du futur acheteur ainsi qu’un
certain nombre d’indications identiques qui permet
de reconnaître immédiatement la facture de
l’Académie48.
De plus, chaque cordel est introduit par une présentation
du thème traité et une rapide biographie de
l’auteur. Ne disposant guère d’un atelier
d’imprimerie propre, l’Académie a souvent
recours à la traditionnelle Lira Nordestina de Juazeiro
do Norte, actuellement gérée par l’URCA49,
mais se propose d’acquérir son propre atelier
afin d’être plus autonome, de pouvoir augmenter
ses tirages et ses rééditions, de produire
à moindre coût50
et d’assurer une meilleure régularité
dans les dates de parution.
4. Célébration
d’un microcosme culturel
En ce qui concerne le contenu,
les objectifs sont, selon les statuts, de «divulguer
la culture populaire centre-nordestine51»,
et donc de proposer, soit un sujet de réflexion au
lecteur, soit une information d’intérêt
culturel, soit un sujet d’histoire locale, soit un
divertissement. Ainsi par exemple, au mois de décembre
1996, l’Académie a publié un cordel
collectif intitulé A Cultura popular no Cariri52
où elle aborde les différentes traditions
et curiosités du Cariri, sujet de cordel
conçu dans l’intention de dresser un inventaire
des richesses culturelles locales. Par ailleurs, selon Eloi
Teles de Morais, il est primordial que le poète fasse
preuve d’imagination et de sensibilité, soigne
la beauté du vers et des images, garantisse une qualité
et une originalité de son inventivité afin
de plaire au lecteur. Si l’on parcourt les 78 cordéis
publiés à ce jour par l’Académie,
on découvre petit à petit la vie quotidienne
de toute une population de l’intérieur avec
ses préoccupations, ses croyances, ses habitudes,
ses modes de convivialité et son système de
valeurs. Au coeur de la propre Académie, nous assistons
à un jeu de miroirs et de renvois, les uns et les
autres présentant leurs travaux respectifs et exprimant
leur admiration, leur gratitude, leur estime, voire leur
affection réciproque. Le doyen de l’Académie,
José Esmeraldo da Silva, né en 1911, affectueusement
surnommé Zé Professor, donne l’exemple
en rendant hommage à ses collègues dans un
cordel intitulé Profissões dos
mesmos, qui évoque le métier qu’exerce
chaque cordéliste dans sa vie courante ainsi
que son dévouement à la poésie. Cette
convivialité et bienveillance qui se traduit par
les compliments mutuels adressés les uns aux autres
est tout à fait caractéristique de l’univers
des cordélistes et des repentistas, qui
en ouverture de leur discours, s’adressent toujours
directement au public et parfois font l’éloge
de leurs prédécesseurs ou maîtres, marques
évidentes de l’héritage de l’oralité53,
où la présence de l’autre est une donnée
de base. Littérature composée pour être
chantée, déclamée ou lue en public,
et non pour être découverte dans le tête-à-tête
solitaire du lecteur occidental, la littérature de
cordel est fondamentalement participative et établit
une communication de proximité entre poètes
et lecteurs-auditeurs. José Esmeraldo da Silva, étant
par ailleurs très attaché à son prochain,
de nature très religieux et nostalgique, aime rappeler
dans d’autres poèmes narratifs les événements
de sa propre vie et de ses proches54,
ce qui constitue, par le jeu des confidences, un autre moyen
de se rapprocher du public.
Cette conscience d’appartenir
à un groupe ou à une corporation ne constitue
en aucun cas un frein à la créativité
des poètes, bien au contraire, et il n’est
pas rare de pouvoir suivre des discussions ou des joutes
par cordel interposé. Ainsi par exemple,
O pau de Maranhão est l’oeuvre de
trois poètes, Eloi, Luciano et Maranhão, à
partir d’une plaisanterie faite sur le bois qui sert
à faire les xylogravures des cordéis
et qui animait les réunions de l’Académie.
Ce fut pour eux, une façon de partager leurs préoccupations
avec leur public. En général, chaque poète
développe librement une ligne de force liée
à ses intérêts personnels, qu’il
s’agisse de folklore, de politique, d’histoire,
d’humour, etc. Josenir Amorim Alves de Lacerda, une
des deux femmes membres de l’Académie, est
plus proche de la tradition des estorias55
et est surtout réputée pour ses qualités
de conteuse et d’humoriste. Partant d’une anecdote,
ou d’un fait divers connu dans la ville, elle le transforme
en conte drôle et édifiant56.
Ses textes sont particulièrement appréciés
par le public qui attend le dénouement de l’histoire.
Dans O menino que nasceu falando, qui rapporte
l’histoire d’un nouveau-né annonçant
la mort prochaine de son père à sa naissance,
il faudra attendre l’avant-dernière strophe
pour apprendre que
Dans la même veine
humoristique, Francisco Edésio Batista, employé
de banque, se montre plus attaché aux petits travers
humains et dénonce les faiblesses des hommes, comme
la vanité, la malignité, la désobéissance58.
S’inspirant des histoires cocasses qui arrivent parfois
aux habitants du Crato, surtout après l’absorption
de quelques verres de cachaça de trop, il conte avec
bonheur les situations comiques qui en résultent,
comme dans Proezas de um Caçador:
«Em vez de pescar
o peixe,
Foi êle quem foi pescado59
Sebastiana A. Job, surnommée
Bastinha, professeur de portugais à l’URCA
et passionnée par la littérature populaire,
grande admiratrice de Patativa do Assaré60,
défend les valeurs sertanejas par rapport
à celles de la ville ou du littoral. Dans Forró
bom é no sertão, elle fustige clairement
les moeurs citadines:
«Arrependido
eu tou
pur querê vim a cidade
conhecê o seu progresso,
mais o que vi foi regresso
cum tanta imoralidade!61»
Elle est d’une part
très réceptive à la sagesse populaire62
et reconnaissante envers les personnes qui contribuent à
maintenir la vivacité des traditions du sertão63
et d’autre part, très présente pour
la défense des causes de l’actualité64
.
Toujours proche des Cratenses,
Francisco Valdemiro do Nascimento, dentiste de profession,
a consacré un cordel aux surnoms des habitants
du Crato65, ainsi qu’un
cordel faisant l’apologie du folklore, Em
defesa do folklore, dans lequel il évoque les
différentes manifestations et coutumes qui avaient
fait l’objet d’études de la part de Gilberto
Freyre comme de Luis da Câmara Cascudo. Sa verve critique
saisit aussi bien les déboires des Américains
dans le lancement manqué d’un ballon66
que les Nordestins dans leur soif d’histoires merveilleuses67.
Luciano Carneiro de Lima, agriculteur, se montre plus attaché
à l’âme du peuple sertanejo
et à ses personnages historiques et populaires68.
Après avoir établi les distinctions entre
ce qui est populaire et ce qui est moderne, il dresse dans
Tipos modernos un portrait des principaux héros populaires
contemporains, de Luiz Gonzaga à Paulinho da Viola
en passant par Pelé, le Père Cícero,
Lampião et tous les saints vénérés
dans le Nordeste. Une thématique plus sociale, voire
politique, est proposée par José Alexandre
da Costa, professeur de mathématiques, dans la mesure
où il aborde des aspects traditionnels des conditions
de la vie sertaneja: pauvreté, désinvolture
des politiques, rôle de l’Eglise69.
Dans Lamento de um sertanejo, il rappelle la condition
misérable des paysans et dénonce le gouvernement
qui ne prend pas les mesures nécessaires pour améliorer
la situation, car à ses yeux, rien ne peut justifier
la faim et la pauvreté:
«Não justifica
o Brasil
que é um país continente,
com terras ricas e fertéis
ver com fome a sua gente70
.»
Les préoccupations
politiques sont très présentes aussi dans
les textes du professeur Eugenio Dantas pour sa part très
attentif à la question économique et sociale,
allant jusqu’à dénoncer les injustices,
les répétitions sempiternelles des promesses
électorales restées sans effet ou les stériles
rivalités entre villes voisines71.
Dans Nordeste prioritário, il s’en
prend directement à la Constitution:
«Um princípio
que existe
em nossa Constituição
diz que em nosso País
não há discriminação;
por que é que o Nordeste
é tratado assim então72?»
Par ailleurs, il est également
très proche de l’imaginaire populaire et fantastique
du Nordeste et excellent conteur73.
L’histoire de la région
est un autre sujet fréquemment traité par
un certain nombre de cordélistes. Ainsi Tancredo
Lobo aborde l’histoire récente, et notamment
un épisode lié à la religiosité
populaire. Rappelant la destruction du Caldeirão
da Santa Cruz do Deserto74
le 9 septembre 1936, et la fuite du beato José
Lourenço dans le Pernambuco, il en propose une lecture
politique sans ambigüité comme l’indique
le sous-titre: A História do Trabalho contra
a Exploração75.
Il termine son texte par une incitation à continuer
le combat inachevé du Caldeirão:
«A luta, caro
leitor,
é do pobre contra o rico
do povo trabalhador
contra o explorador maldito;
por isso, não tema a guerra;
esse cordel aqui se encerra
vamos à luta, tenho dito!76»
Quant à Eloi Teles
de Morais, diplômé en droit, son souci majeur
est de permettre aux Cratenses de connaître l’histoire
de leur propre ville qui n’est plus guère enseignée
dans les écoles. Aussi, il a consacré 6 cordéis
à l’Histoire du Crato de 1730 à 190177,
plusieurs cordéis à des
légendes du Crato78,
plusieurs publications à des personnages historiques79.
Son excellente connaissance de la culture populaire due
à ses anciennes et nombreuses activités dans
le milieu, ainsi que son amour débordant pour sa
ville natale, en font un des plus puissants défenseurs.
Dans un cordel resté célèbre,
Acorda, Meu Crato, il s’en prend à
ses concitoyens qu’il tente de secouer de leur léthargie
et des luttes politiques fratricides qui les affaiblissent.
Il fait appel au passé glorieux de la ville en incitant
les habitants à réagir contre le mal qui les
dévore comme Jésus chassant les marchands
du Temple:
«Recupera o teu
prestigio
por esse Brasil afora.
Retoma o teu crescimento
porque é chegada a hora80»
Le souci didactique, voire
éthique s’affirme très nettement avec
Francisco Correia Lima, employé municipal, qui suit
de très près la vie politique et économique
du Crato81.
A l’occasion des dernières élections,
il a adressé un message à ses concitoyens
dans Não jogue fora esta arma pour les inciter
à ne pas négliger le droit de vote et à
en faire meilleur usage:
«Nunca deixe
de votar
mas aprenda a escolher
evite que o desonesto
vá assumir o poder
defende seu ideal82.»
Dans une veine tout à
fait personnelle, Willian Brito, ingénieur agronome,
a consacré de nombreux cordéis à
l’écologie et à l’éthique84,
estimant que le cordel est toujours un excellent
moyen pour sensibiliser le public aux problèmes de
l’environnement. Par ailleurs, il développe
également une veine plus nationale en évoquant
la mort d’Ayrton Senna ou l’histoire de Saint
Benoît, patron des esclaves85.
5. Les répercussions
A partir d’un tirage
de 1000 exemplaires, dont 200 restent la propriété
de l’Académie des cordélistes pour ses
archives et pour la divulgation vers d’autres villes
et pays85, les 800 exemplaires
restant reviennent à l’auteur qui les distribue
en partie lors du lancement, puis les met en vente dans
les kiosques ou sur les marchés. Il arrive que certains
cordéis, jugés d’intérêt
public soient réédités et mis à
la disposition des écoles publiques. Ce fut le cas
des 6 volumes consacrés à l’Histoire
du Crato, réédités par le MOBRAL86,
qui permet ainsi aux enfants de connaître les faits
épiques et héroïques du Crato, comme
la Révolution de 1817 par exemple.
La fonction de communication
et d’information de proximité traditionnellement
conférée au cordel subsiste encore
de façon efficace dans certains domaines, et montre
la valeur affective que le public populaire continue de
manifester à ce genre littéraire. Preuve en
est la récente campagne de vaccination anti-rabique
de 1994: organisée par l’Etat, à travers
la presse et par voie d’affichage, les résultats
positifs furent estimés à environ 5%. Cette
même campagne, reprise à travers le cordel
à la demande des autorités locales, permit
d’obtenir un taux de succès de 70 %. De même,
l’examen des sujets traités par année
retrace l’importance des préoccupations locales
momentanées: ainsi, en 1991, année de mauvaise
gestion administrative de la ville, plusieurs cordéis
furent consacrés à ce problême-là.
Ce phénomène montre bien l’impact joué
par le cordel au sein de la communauté,
les académistes se faisant les porte-voix des habitants
pour manifester leur mécontentement en cas de nécessité,
de la même façon, qu’en sens inverse,
les autorités recourent au cordel pour faire
passer une campagne d’information. Le cordéliste,
une fois de plus, est à la disposition de la communauté.
Plus remarquable encore,
il arrive que l’Académie soit parfois sollicitée
pour des commandes extérieures au Crato ou au Ceará,
de portée nationale, voire internationale. Ce fut
le cas en 1992, où le Service brésilien de
la BBC de Londres a commandé une série de
8 cordéis sur la santé,
qui allaient être distribués à titre
préventif au Brésil, ainsi que dans les pays
africains lusophones. Les sujets abordés, comme le
Sida, la diarrhée, l’hygiène par exemple,
trouvaient là une forme populaire d’expression
qui permettait une approche plus naturelle et efficace,
dans la mesure où le moyen utilisé était
déjà familier aux classes modestes de la population.
Le rapport affectif qui unit le lecteur-auditeur au cordel
facilite non seulement la compréhension du message
délivré, mais également son acceptation.
Conclusion
Ainsi à travers cette
expérience originale, nous avons pu esquisser les lignes
d’une évolution en cours. Résultant d’un
certain nombre de facteurs qui sont eux-mêmes les conséquences
de la transformation constante de la société,
nous pouvons constater que ce genre populaire continue néanmoins
de jouer un rôle de communication non négligeable.
Pour y parvenir, il s’est d’une part enrichi de
poètes érudits et s’est d’autre
part renouvelé dans ses thématiques. Comme le
soulignait avec beaucoup de pertinence Raymond Cantel lors
de son passage à Recife en 1972, «si le pouvoir
public brésilien avait une idée de l’importance
et de l’usage que l’on fait du cordel,
il ne laisserait pas le genre s’éteindre87.»
Contrairement au courant
qui s’était développé jusque
vers les années soixante, où le cordel
était conçu essentiellement comme une littérature
de fiction, «forme de résistance originale
face à la réalité politique et sociale88»,
se développe à l’heure actuelle une
littérature plus en prise sur les problèmes
sociaux quotidiens et animée par le besoin de raconter
sa propre histoire en réaction aux crises politiques
traversées et aux problèmes récurrents
du Nordeste: injustices sociales, éducation déficiente,
système de santé défaillant, pauvreté
endémique, émigration. La participation d’auteurs
diplômés donne parfois une tournure plus didactique
aux textes, et par ce biais, ils se font les intermédiaires
auprès des citoyens des manques des gouvernements
et administrations successifs. Les diverses commandes, qu’elles
émanent de partis politiques ou d’institutions
officielles prouvent bien l’attention et le respect
accordé par la population à ce moyen de communication.
Le cordel reste un genre littéraire populaire,
dans le sens où il est à la disposition du
public, le collectif supplantant l’individuel. Le
cordéliste reste fidèele à sa fonction:
être un professionnel de la rime. C’est en partie
cette tradition que l’Académie des cordélistes
du Crato se propose de perpétuer.
Sylvie DEBS
Université Robert Schuman – Strasbourg 1997
Notes
1
CANTEL Raymond: La littérature populaire brésilienne,
Poitiers, Centre de Recherches latino-américaines,
1993, p. 21
2Crato: ville située
dans l’Etat du Ceará, aux confins du Pernambouco
et du Piaui, voisine et rivale de Juazeiro do Norte.
3CAVIGNAC Julie: «Mémoires
en miroir», Cahiers du Brésil contemporain
n°9, 1990, p. 49: Nom donné par les chercheurs
aux Folhetos de Feira, poèmes narratifs diffusés
sous la forme de livrets vendus lors des foires, suspendus
à cheval sur une corde, d’où leur nom.
4 COIMBRA Silvia Rodrigues:
Poesia e gravura de J. Borges, Recife, 1993, p.
19: «Está ameaçada de morte uma literatura
que desde o século passado, através dos grandes
poetas Leandro Gomes e Silvino Pirauá, com os primeiros
folhetos de cordel publicados em tipografia, espalhou-se
na Região nordestina por todas praças e feiras.
Um sistema de jornalismo matuto funcionando como diversão
e anúncio de morte de grandes personagens históricos:
Lampião, Padre Cícero, Getúlio Vargas
entre muitos outros.»*
6Leandro Gomes de BARROS, mort en 1918, avait laissé
plus de mille titres différents à sa mort.
7Rodrigo
Coelho CAVALCANTE a laissé plus de mille cinq cents
titres.
8Membres d’une bande armée indépendante
qui spolie certains propriétaires et en protège
d’autres. Parmi les plus célèbres, on
peut citer Lampião et Maria Bonita, Corisco et Dadá.
9Cf. la classification de Raymond CANTEL in Etudes,
Littératures orales, «De Roland à
Lampião ou la littérature populaire du Nordeste
brésilien», Paris, 1979, pp. 27-63.
10Atelier de José Bernardo da SILVA, patron
de la typographie São Francisco dans les années
20, qui avait racheté les droits de Leandro Gomes
de Barros et João Martins de Athayde.
11Consulter Gilmar de CARVALHO, Publicidade em
cordel, São Paulo, Editora Maltese, 1994, ch.
III, Edição de folhetos populares no Ceará,
pp. 67-85.
12CANTEL Raymond: op. cit., p. 33. Cachaça:
alcool de canne à sucre très populaire.
13Manuel DIEGUES JUNIOR: Literatura de cordel,
Cadernos de folklore n°2, 1975, Rio de Janeiro, p.6:
«A organização da sociedade patriarcal,
o surgimento de manifestações messiânicas,
o aparecimento de bandos de cangaceiros ou bandidos, as
secas periódicas provocando desequilíbrios
econômicos e sociais, as lutas de família deram
oportunidade, entre outros fatores, para que se verificasse
o surgimento de grupos de cantadores como instrumentos do
pensamento coletivo, das manifestações da
memória popular.»
14Nom donné aux terres de l’intérieur,
semi-arides, par opposition aux terres du littoral.
15Voir les classiques du roman nordestin comme O
Quinze de Rachel DE QUEIROZ ou Vidas Secas
de Graciliano RAMOS.
16Entretien réalisé avec Geraldo Moreira
de LACERDA, Crato, 6/08/97.
17Cf. classification de Cavalcanti PROEÇA, in
Literatura Popular em Verso, Rio de Janeiro, Tomo
I, Fundação Rui Barbosa, 1964.
18NUVENS Plácido Cidade: Patativa do Assaré
e o universo fascinante do sertão, Fortaleza,
Fundação Edson Queiroz, Universidade de Fortaleza,
1995, 261 p.
19KUNZ Martine: «La Littérature de cordel
comme fiction compensatoire: une lecture possible»,
Revista de Letras, Fortaleza, Universidade Federal
do Ceará, Vol. 17, n°1/2, Janv/Dez 1995, pp.
60-63
20Durval AIRES Filho: «O mágico e o fantástico
na literatura de cordel», in O Povo, Fortaleza, 25/03/79:
«Na verdade, para um povo impedido pelo sistema econômico,
uma estrutura com quase quatro séculos de atraso,
e pelo ato castrador da cultura que dividiu o mundo, sumariamente
entre os que sabem e os que ainda precisam aprender, de
participar e de decidir sobre o destino dentro do processo
histórico, não é difícil partir
para o irreal e o imaginário, principalmente quando
advoga em favor da justiça ou quando reflete um farto
acervo cultural fora dos nossos parâmetros.»
cité par Martine KUNZ dans l’article supra.
21KUNZ Martine: art. cit., p. 61.
22CANTEL Raymond: op. cit., p. 28.
23Histoire de Charlemagne et des douze Pairs de France,
Histoire de Robert le Diable, Jean de la Croix, Chien des
Morts.
24CARVALHO Gilmar de, op. cit., p. 68: «Juazeiro
tornou-se ponto de convergência nordestina e, por
conta de uma contínua romaria ao sacerdote, formou-se
um público que já conhecia e consumia folhetos.
Foi esse o percurso do romeiro alagoano José Bernardo
da Silva, de vendedor de ervas e raízes a um dos
mais importantes editores de literatura de cordel.»
25CANTEL Raymond: op. cit., p. 29: «Fixés
sur la côte [les Nordestinos] continuent à
chercher l’information dans le folheto. Le journal
embrouille les choses et les exprime dans un langage qui
n’est pas le sien ; or le Nordestino éprouve
une méfiance envers un monde qui lui est étranger.
Au contraire, il recherche le folheto où les choses
sont dites dans sa langue et avec les commentaires qu’il
souhaite.»
26SILVA Expedito Sebastião da: «Eu posso
tratar de qualquer assunto, qualquer coisa. O meu sistema
de escrever é um só, sendo em cordel é
um só. O poeta está à disposição
de quem quer que seja que necessita da poesia dele. Isso
não desvirtua o prestígio do poeta, ele está
aí pra isso, pra escrever.» cité par
Martine KUNZ, in «Expedito Sebastião da Silva,
Poeta-Artesão de Juazeiro do Norte», Fortaleza,
UFC, mai 1996, p.4
27Voir entretien réalisé avec Geraldo
Moreira de LACERDA, Crato, 6/08/97.
28CANTEL Raymond: op. cit., p. 31.
29Les éditions Luzeiro Editora Limitada
ont crée une collection Coleção
Luzeiro - Literatura de cordel qui compte
environ 125 titres qui sont la reprise des grands classiques.
Chaque cordel est accompagné d’une fiche technique
qui comprend les rubriques suivantes: titre, thème,
auteur, lieu, strophes, schéma de versification,
acrostiche final, biographie de l’auteur. L’ironie
du sort a voulu que 80% des tirages soient vendus dans le
Nordeste!
30Le format traditionnel de 11 cm sur 16 cm qui comptait
8, 16 ou 32 pages est passé à 13,5 sur 18
cm pour 32 pages.
31CANTEL Raymond: op. cit., p. 50.
32Poètes improvisateurs, dérivé
de repente, improvisation.
33Duos de chanteurs qui s’accompagnent d’un
tambourin pour sillonner le Nordeste en chantant et improvisant
sur les sujets d’actualité. Les Fabulous
Trodadors de Toulouse, Claude Sicre et Ange B. s’en
revendiquent dans leurs propres compositions.
34MORTAIGNE Véronique: «Poètes-reporters
et menteurs professionnels», in Le Monde, 30/12/95,
p. 8.
35 On peut citer Geraldo Carvalho Frota, actuel Secrétaire
Général du COCORDEL [Centro Cultural dos Cordelistas
do Ceará], ex-séminariste diplômé
en philosophie, Paulo de Tarso, diplômé d’histoire,
Vicente Paulo Lemos, professeur et directeur d’école,
Francisco Willian Brito Bezzerra, ingénieur agronome.
36Entretien avec Elói de MORAIS, Crato, 1/08/97:
«Estes novos poetas estão prestando um excelente
serviço, é uma demostração de
prestigiar o cordel.»
37Raymond CANTEL avait déjà tenté
d’aller au-delà de cette dichotomie traditionnelle
sans pour autant proposer une nouvelle définition:
«Jamais ses explications savantes ne revêtent
un caractère paternaliste, l’opposition culturelle
est toujours traitée comme un pôle de valorisation,
le cordel reste intégré dans le champ naturel
de la littérature orale où il conserve son
individualité et son contenu.» écrit
Annick MOREAU dans l’introduction, p. 17.
38
CARVALHO Gilmar de, op. cit., p. 65: «Esse
popular ele passa também por uma apropriação
do que vem das culturas de massa então, deixou de
haver aquela dicotomia, essa divisão entre o popular
e o erudito e hoje em dia a gente teria um triângulo,
uma tríade. A gente tem o popular, o erudito e o
massivo e essas três ordens se interpenetram.»
39
Estatutos da Academia dos cordelistas do Crato, Capitulo
II, Dos Objetivos: «Cultuar, pesquisar, promover,
documentar e difundir a arte et a ciência do cordel.»
40
Cordéliste, né le 19 avril 1936 au Crato,
animateur de radio, défenseur du folklore et des
artistes populaires (repentistas, violeiros, Bandas Cabaçal,
Reisados, Judas, cordelistas, Bumba-Meu Boi, Festas Juninas,
Maneiro-Pau, etc).
41
Coisas do meu sertão, émission
quotidienne sur Radio Araripe depuis 1957 au cours de laquelle
Eloi Teles de Morais présente les poèmes de
nombreux auteurs populaires dont Zé da Luz (Paraíba),
Patativa do Assaré (Ceará), Juvenal Galeno,
Pompilio Diniz (Paraíba), Catulo da Paixão
Cearense, Zé Limeira (Paraíba), Siquiera do
Amorin, etc. La primauté est donnée aux thèmes
sociaux, politiques et historiques. Les émissions
ont été interrompues lors du coup d’Etat
en 1964, et purent reprendre à partir du 2 mars 1965.
Elles sont toujours suivies avec beaucoup d’assiduité
de nos jours et les jeunes cordélistes reconnaissent
le rôle prépondérant joué par
ces émissions quant à leur propre vocation.
42
Voir entretien réalisé avec Geraldo Moreira
de LACERDA, Crato, 6/08/97.
43
Eloi Teles de MORAIS dispose d’un fonds
d’environ 3000 cordéis.
44
COIMBRA Silvia Rodrigues: op. cit. , p. 18:
«o Cordel tem de ser escrito de uma maneira
que toque no sentimento do povo que vai ler ou ouvir o conto
- seja ele de Amor, Calúnia, Religião, Política,
acontecimento trágico, Humor, Sofrimento, Vingança
e outros temas.»
45
Généralement des sextilhas
(sizain d’heptasyllabes dont les second, quatrième
et sixième vers sont rimés).
46
SILVA Expedito Sebastião da: art.
cit., p. 2: «O mais importante do cordel é
a métrica. Uma poesia sem métrica é
uma coisa inválida. A métrica é que
faz o cordel ficar bonito.»
47
Entretien avec Eloi Teles de MORAIS, Crato, 1/08/97.
48
Academia dos cordelistas do Crato - Titre du cordel
- Nom de l’auteur - Numéro de fauteuil de l’académicien
de cordel - Nom du xylograveur - Mois et année
de publication.
49
URCA: Université Régionale du
Cariri. Willian Brito vient d’ailleurs de consacrer
un cordel au nouveau recteur, Violeta Arraes Gervaiseau
de Alencar.
50
A l’heure actuelle, un tirage de 1000
exemplaires revient à 100 reais (600 Frcs) pour le
papier plus 40 reais (240 Frcs) pour la xylogravure, soient
140 reais, sachant que le salaire minimum est de l’ordre
de 120 reais.
51
Estatutos, Capitulo II, «divulgar a cultura
popular centro-nordestino».
52
La culture populaire du Cariri, le Cariri étant
le nom de la région de l’intérieur du
sertão où se trouvent les villes de Juazeiro,
Crato, Barbalha, Nova Olinda, Santana entre autres. Les
thèmes traités ont été: Les
fossiles de Santana, Le poète, La fête de le
Rénovation, La Fête de Barbalha, Le cordel,
La Casa Grande de Nova Olinda, La loi Tasso Jereissati,
Superstitions et croyances, Le tronc de Saint Antoine, Les
groupes folkloriques, Le moulin à sucre, Le Forró.
53
Sylvie DEBS: «Patativa do Assaré:
une voix du Nordeste», in
54
Voir: Algo de minha biografia, Algo biográfico,
Outro Aspecto da Paróquia de São Francisco,
Versos brejeiros e Trovas acadêmicas, A «Istoa
de Mané» e «Argo do meu prefiu».
55
Histoires qui ne sont pas vraies mais que l’on
rapporte comme telles.
56
Voir: O menino que nasceu falando, O caçador
e a Caipora, A fábula do Peru, Dona Chica, Sivirino
e Luzia ou as proezas do destino.
57
«Le malheureux voisin est mort, victime
d’une agonie.»
58
Voir: Proezas de um caçador, A
chegada ao céu, do Português e do Brasileiro,
Conselhos de um médico engraçado, Trapalhadas
de um dentista.
59
«Au lieu de prendre le poisson, Ce fut
lui qui fut repêché.»
60
Voir: Patativa do Assaré na aula
da saudade.
61
«Je me repens, car j’ai voulu
voir la ville, connaître le progrès, mais ce
que je vis n’était que régression et
immoralité.»
62
Voir: O povo sabe o que diz.
63
Voir l’hommage rendu à Eloi Teles
de Morais dans 30 anos de sertão.
64
Voir: Grito ecológico, O professor
da URCA e o Fundo de Garantia, O que você debe saber
sobre Higiene.
65
Voir: Crato moleque.
66
Voir: O mistério do Balão.
67
Voir: A História de Zé Paulino e Valderice,
As profecias do Velho Nelson.
68
Voir: O preço de uma paixão, Tipos populares.
69
Voir: O diálogo de Zé e Alice, Fraternidade
em questião, O acordo de Santo Antonio com o Diabo,
Desagravo a mãe de Deus.
70
«Rien ne peut justifier que le Brésil, un continent
de terres riches et fertiles, voie ses habitants souffrir
de faim.»
71
Voir: Por que brigar... Cariri ?
72
«Il existe un principe dans notre Constituition qui
dit que dans notre pays il n’y a pas de discrimination;
alors pourquoi le Nordeste est-il traité de cette
façon ?»
73
Voir: A estória de um lobishomem, Ramiro do Seminário
e suas estórias engraçadas, A estória
do Brasil.
74
Voir Claudio AGUIAR, Caldeirão, Edições
Tempo Brasileiro, Rio de Janeiro, 1982, 316 p. et Rosemberg
CARIRY, O caldeirão da Santa Cruz do deserto,
film long métrage documentaire, 1986.
75
Histoire du Travail contre l’Exploration.
76
«Le combat, cher lecteur, est celui du pauvre contre
le riche, du peuple qui travaille contre l’explorateur
maudit; pour cela, ne crains pas la guerre, ce cordel
prend fin ici, allons au combat, je vous le dis !»
77
En se basant sur les livres d’historien comme FIGUEREDO
Filho, et mettant à la disposition d’un public
populaire le travail des spécialistes. Ces cordéis,
dont les titres suivent, ont été réédités
par la Mairie pour être distribués dans les
écoles: O aldeamento, Criação do
Município, A Revolução de 1817, O Primeiro
de Setembro, Crato: Cidade, O fim do século.
78
Voir: A lagoa encantada, O sumiço da Santa, A
pedra da Batateira.
79
Voir: Ana Triste, épouse de Tristão
GONÇALVES, héros de la Confédération
de l’Equateur ou encore Um sonho com Dona Bárbara.
80
«Récupère ton prestige au nom du Brésil.
Reprends ta croissance, puisque l’heure est venue.»
81
Voir: Não jogue fora esta arma, Cinquentenário
da Exposição.
82
«Ne laisse pas tomber le vote, mais apprend à
choisir. Evite que le malhonnête prenne le pouvoir;
défends ton idéal.»
83O que é a ecologia, O Padre Cícero e a
ecologia, Area de Proteção Ambiental do Araripe,
Experiência de chuva, ABC da cidadania.
84
Voir: Tributo a Ayrton Senna, A História de São
Benedito.
85
Cf. Estatutos, Capitulo II, «promover o intercambio
com outras instituições congêneres e
com pesquisadores do cordelismo, dentro e fora do pais»
(Promouvoir l’échange avec d’autres institutions
similaires et avec des chercheurs de cordel, au
niveau national et international).
86
MOBRAL: mouvement brésilien pour l’alphabétisation.
87
COIMBRA Silvia Rodrigues, op. cit., p. 20: «... se
o poder público brasileiro tivesse a noção
o quanto e para que serve o cordel, não deixaria
morrer.»
88
Martine KUNZ, art. cit., p. 63.
Annexe: Juramento da Academia
dos cordelistas do Crato
Eu prometo defender
com esforço absoluto
pra que eu faça valer
o que diz o Estatuto.
Ordem, respeito, união
amor pela poesia,
trabalhar com o coração
pela nossa Academia.
Em cada verso sutil
que eu consiga rimar
será em honra ao Brasil
e a cultura popular.
Juro que no dia a dia
farei do verso o relato
pra honrar a Academia
dos Cordelistas do Crato.